J.O. 277 du 28 novembre 2004
J.O. disponibles
Alerte par mail
Lois,décrets
codes
AdmiNet
Ce document peut également être consulté sur le site officiel Legifrance
Décision n° 2004-3391 du 25 novembre 2004
NOR : CSCX0407797S
Le Conseil constitutionnel,
Vu la requête présentée par M. Jean-François Nicolas, demeurant à Epinac (Saône-et-Loire), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 6 octobre 2004, et tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé le 26 septembre 2004 dans le département de Saône-et-Loire en vue de la désignation de trois sénateurs ;
Vu le mémoire en défense présenté par MM. Jean-Patrick Courtois, Jean-Paul Emorine et René Beaumont, sénateurs, enregistré comme ci-dessus le 19 octobre 2004 ;
Vu les observations du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, enregistrées comme ci-dessus le 22 octobre 2004 ;
Vu les mémoires en réplique, présentés par M. Nicolas, enregistrés comme ci-dessus les 8, 10 et 22 novembre 2004 ;
Vu les nouveaux mémoires en défense, présentés par MM. Courtois, Emorine et Beaumont, enregistrés comme ci-dessus les 16 et 19 novembre 2004 ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu la Constitution, notamment son article 59 ;
Vu l'ordonnance no 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code électoral ;
Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
Sur le déroulement de la campagne électorale :
1. Considérant que l'article L. 308-1 du code électoral dispose : « Les dispositions des deuxième et cinquième alinéas de l'article L. 52-8 s'appliquent aux candidats aux élections sénatoriales » ; qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 52-8 : « Les personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d'un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués » ; que la méconnaissance, par un candidat ou une liste de candidats, de ces dispositions est de nature à provoquer l'annulation de l'élection lorsque l'octroi de ces avantages a entraîné, dans les circonstances de l'espèce, une rupture d'égalité entre ces candidats ayant altéré la sincérité du scrutin sénatorial ;
2. Considérant que le grief tiré de ce que certains électeurs sénatoriaux auraient été invités à déjeuner par un candidat, aux frais de la ville de Mâcon, manque en fait ; qu'il n'est pas davantage établi que certains aient été invités aux frais de ce même candidat, et qu'en tout état de cause, une telle circonstance, à la supposer établie, ne constituerait pas, compte tenu de la composition particulière du collège électoral sénatorial, une manoeuvre de nature à altérer la sincérité du scrutin ;
3. Considérant que le requérant soutient que la brochure présentant le programme des candidats de l'UMP, intitulée « Réussir ensemble en Saône-et-Loire », a été éditée en utilisant une photographie reprise du site internet du Sénat, ce qui, faute de paiement de droits d'auteur, aurait constitué une violation de l'article L. 52-8 du code électoral ; que cependant, à supposer même que le Sénat en détienne les droits, l'utilisation d'un seul cliché photographique n'a pas constitué une aide financière apportée aux candidats de l'UMP de nature à rompre l'égalité entre candidats et à altérer par suite la sincérité du scrutin ;
4. Considérant que l'insertion dans ladite brochure d'une photographie représentant MM. Courtois et Beaumont aux côtés de l'ancien préfet de Saône-et-Loire, qui n'était plus en fonctions dans le département, n'a pas été de nature à conférer à la candidature des intéressés un caractère officiel ni à altérer la sincérité du scrutin ;
5. Considérant que la circonstance que M. Beaumont se soit prévalu, dans ses documents de campagne, de la qualité de « président fondateur du syndicat mixte pour l'aménagement de la Saône et du Doubs », organisme qu'il a effectivement fondé, et dont il avait quitté la présidence peu de temps avant le jour du scrutin, n'a pas constitué une manoeuvre de nature à altérer la sincérité du scrutin ;
6. Considérant que le grief tiré de ce que d'autres pressions auraient été exercées sur les électeurs sénatoriaux, qui n'est assorti d'aucune précision, ne peut qu'être écarté ;
Sur les opérations de vote et de dépouillement :
7. Considérant que, si l'article R. 155 du code électoral indique que, dans les départements où les élections se déroulent au scrutin majoritaire, les bulletins doivent comporter, à la suite du nom du candidat, la mention « remplaçant éventuel », suivie du nom du remplaçant, la circonstance que, sur le bulletin de vote d'un candidat, a été employé le terme de « suppléant » au lieu de la mention « remplaçant éventuel » a été sans incidence sur la régularité du scrutin ;
8. Considérant que la diffusion, au cours du second tour de scrutin, d'un document invitant les électeurs à porter leurs suffrages sur MM. Courtois et Beaumont n'était interdite dans son principe pour les élections sénatoriales par aucune disposition législative ou réglementaire ; qu'en outre, eu égard aux termes de ce document qui n'ont pas excédé les limites de la polémique électorale, sa diffusion ne saurait être regardée comme ayant constitué une manoeuvre de nature à altérer la sincérité du scrutin ;
9. Considérant que, s'il résulte de l'article R. 157 du code électoral qu'au second tour, dans les départements où s'applique le scrutin majoritaire, la commission de propagande a pour obligation de mettre à la disposition des électeurs des bulletins en blanc, les candidats peuvent de leur propre initiative fournir eux-mêmes, en application de l'article R. 161, des bulletins imprimés ; qu'en l'espèce la circonstance que les bulletins en blanc aient été remplacés par les bulletins imprimés fournis par les candidats n'a pas altéré la sincérité du scrutin, les électeurs ayant pu exprimer leurs suffrages en mettant dans l'enveloppe plusieurs bulletins après avoir rayé le nom de certains candidats ;
10. Considérant que, si le requérant produit l'attestation d'un électeur indiquant qu'au deuxième tour, dans la dixième section de vote, il n'y avait pas de bulletins imprimés au nom de M. Chassort, tandis que figuraient sur les tables les bulletins au nom de Mme Monique Louis, et que cette erreur avait été immédiatement réparée à sa demande, aucune mention n'a été faite sur ce point au procès-verbal ; qu'ainsi, les faits allégués ne sont pas établis ; qu'au demeurant, M. Chassort a recueilli dans cette section la même proportion de voix que dans les autres ;
11. Considérant que le grief tiré de ce que le dépouillement se serait effectué hors de la présence des candidats ou de leurs délégués et de celle des électeurs en méconnaissance de l'article L. 67 du code électoral manque en fait ;
Sur le recensement et la proclamation des résultats par le bureau du collège électoral :
12. Considérant que, si le recensement et l'examen par le bureau du collège électoral des bulletins déclarés nuls se sont déroulés hors la présence des candidats ou de leurs délégués et des électeurs, cette circonstance n'est pas de nature à entacher d'irrégularité le scrutin dès lors que ces derniers n'ont pas été empêchés d'être présents et de surveiller les opérations de dépouillement ; qu'en outre, après avoir examiné les procès-verbaux de section et les bulletins déclarés provisoirement nuls par les bureaux de section, le bureau du collège électoral a, en l'espèce, exposé ses travaux aux délégués des candidats qui ont pu examiner ces pièces et faire inscrire leur réclamation éventuelle au procès-verbal ;
13. Considérant que, si le requérant conteste la validation par le bureau du collège électoral de deux bulletins provisoirement déclarés nuls par la deuxième section du collège électoral au premier tour des élections, cette validation a été, en tout état de cause, sans incidence sur les résultats du premier tour à l'issue duquel a été proclamé élu M. Emorine avec quarante-trois voix de plus que la majorité absolue des suffrages exprimés ;
14. Considérant que, si le requérant relève l'omission, sur le procès-verbal de la troisième section du collège électoral, de mentions relatives au nombre de votants calculé à partir de la liste d'émargement et au nombre d'enveloppes trouvées dans l'urne, il n'est ni établi, ni même allégué que cette circonstance serait constitutive d'une manoeuvre susceptible d'avoir influencé le résultat du scrutin ;
15. Considérant, enfin, que, si le président du bureau du collège électoral, en sa qualité de chef de juridiction, avait antérieurement signé avec le président du conseil général alors en fonctions, candidat à l'élection contestée, une convention relative au « comité départemental d'aide juridique » dont la collectivité territoriale est membre, la conclusion de cette convention, nécessaire au fonctionnement du comité, procédait des relations institutionnelles que ce magistrat était naturellement conduit à nouer en raison de ses fonctions ; qu'elle ne saurait caractériser l'existence de relations personnelles entre le magistrat et l'élu ; que, par suite, les allégations du requérant sur ce point sont dénuées de tout fondement,
Décide :
Article 1
La requête de M. Jean-François Nicolas est rejetée.Article 2
La présente décision sera notifiée au président du Sénat et publiée au Journal officiel de la République française.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 25 novembre 2004, où siégeaient : M. Pierre Mazeaud, président, MM. Jean-Claude Colliard et Olivier Dutheillet de Lamothe, Mme Jacqueline de Guillenchmidt, M. Jean-Louis Pezant, Mme Dominique Schnapper, M. Pierre Steinmetz et Mme Simone Veil.
Le président,
Pierre Mazeaud